Les premiers paysans du Néolithique au Taï

Les premiers paysans-éleveurs des Cévennes provenaient de la région du croissant fertile, au Proche-Orient, où a eu lieu la transition néolithique il y a 9600 ans av. J.-C. Cette transition est marquée par la sédentarité, la domestication des plantes, donnant l’agriculture et celle des animaux, donnant l’élevage.

Ces communautés agropastorales ont migré vers Chypre entre 9000 et 8600 ans av. J.-C, puis autour des côtes anatoliennes et vers la région égéenne entre 7000 et 6600 ans av. J. – C. Vers 6000 ans av J.-C, la migration emprunte deux voies en développant des spécificités culturelles, économiques et symboliques, l’une continentale vers le nord tandis que l’autre se poursuit vers l’ouest, en Méditerranée par voie terrestre et maritime. La migration méditerranéenne est marquée par la culture « impressa », culture de la céramique imprimée qui apparait dans différentes parties de la mer Égée, puis à l’ouest de la Grèce, en 6200 av. J.-C., en Italie, en Dalmatie, dans le sud de la France jusqu’en Catalogne à des dates autour de 5800 av. J.-C.

À partir de 5 800 av. J.-C. se manifeste la diffusion maritime des groupes à céramique cardiale en Méditerranée occidentale. Ils se développent en France entre 5400 et 5250 ans av. J.-C. Les vases sont décorés à l’aide d’impressions organisées en rubans dont la part dominante est réalisée à partir des coquilles de Cardium.

Puis, autour de 5 000 av. J.-C. se développe la culture de l’Épicardial qui étend les fronts méditerranéens de néolithisation, à l’est vers les Alpes, à l’ouest vers l’Aquitaine, au sud vers la péninsule ibérique et au nord vers le Massif central comme les Cévennes.

L’habitat des premiers paysans le mieux étudié et le plus proche des Cévennes est la grotte du Taï à Remoulins dans le Gard. L’habitat en plein air néolithique le plus ancien du sud de la France est Peiro Signado à Portiragnes, dans l’Hérault, et met en évidence un plan de cabane ovale.

Au Taï, les communautés agropastorales occupent le site au moins la majeure partie de l’année. Ils vivent de cultures, qu’ils stockent en partie dans des fosses, et d’élevage d’animaux domestiques, mais aussi de chasse, de cueillette et de pêche. Ils élèvent un troupeau de moutons et de chèvres toute l’année, pour le lait et la viande, qui se trouve à proximité des habitations et pâture sous la forêt dès la fin du néolithique ancien. Des bovins et quelques cochons sont également présents. Ils cultivent les parcelles sur le long terme, avec de l’orge, du blé rustique (engrain, amidonnier), du pavot et des légumineuses (pois).

Ils utilisent les ressources forestières, le bois pour les constructions et aménagements, la réalisation d’outils, les activités artisanales, médicinales ou d’éclairages (pistachier par exemple). Les fruits des arbres et arbustes peuvent être consommés par les humains ou animaux domestiques ou utilisés pour la pharmacopée. Les produits de la forêt sont aussi utilisés pour l’alimentation et la litière du bétail.

Le système agricole est intensif et mixte avec un travail du sol, un désherbage et l’élevage fournissent la fumure.  Au début du Néolithique, l’impact sur le milieu forestier est limité. Pour l’activité pastorale, il n’y a pas de mobilité saisonnière au Taï et le modèle d’un troupeau sédentaire est privilégié.

À cette époque, à Remoulins dans le Gard, il y a plus de 5000 ans av. J.-C., le paysage était une forêt méditerranéenne formée de chênes caducifoliés, d’arbousiers, genévriers, filaires et de rares chênes verts, associés à l’érable de Montpellier. Sous la futaie, le sous-bois est dégagé et des espaces ouverts à genévriers et prunoïdées sont en partie liés à l’exploitation humaine. Les chênes coupés repoussent en taillis sont progressivement remplacés par des arbres plus résistants aux tailles réalisées par les troupeaux. Les sols apparaissent cultivés ou en friches qui laissent place à des pelouses sèches.

Publications scientifiques

• François Briois, Claire Manen. 2003 – L’habitat Néolithique ancien de Peiro Signado à Portiragnes (Hérault). Journées de la SPF. De la maison au village dans le Néolithique du sud de la France et du nord-ouest méditerranéen, Marseille, France. pp.31-37.
• Laurent Bruxelles, L Chabal, Claire Manen. Géographie, géomorphologie et végétation actuelle. Claire Manen. Les premières sociétés agropastorales du Languedoc méditerranéen. Le Taï (Remoulins, Gard)., Archives d’Ecologie Préhistorique, pp.21-30, 2022,
• Claire Manen, Laurent Bouby, Isabelle Carrère, Jacques Coularou, Benoît Devillers, et al.. Nouvelles données sur le Néolithique ancien gardois : résultats des campagnes de fouille 2001-2002 de la grotte du Taï (Remoulins). 5ème Rencontres méridionales de Préhistoire récente Auvergne et Midi, 2002, France. pp.321-336.
• Claire Manen, Salvador Bailon, Marie Balasse, Stéphanie Bréhard, Laurent Bouby, et al.. Paléo-environnements et pratiques agropastorales. Claire Manen. Les premières sociétés agropastorales du Languedoc méditerranéen. Le Taï (Remoulins – Gard), Archives d’Ecologie Préhistorique, pp.849-862, 2022.
• Claire Manen, Thomas Perrin, Laurent Bouby, Stéphanie Bréhard, Elsa Defranould, et al.. Territoriality and Settlement in Southern France in the Early Neolithic: Diversity as a Strategy?. Open Archaeology, 2021, 7 (1), pp.923-938.
• Claire Manan C. (dir.), 2022 – Les premières sociétés agropastorales du Languedoc méditerranéen. Le Taï (Remoulins – Gard). Toulouse, Archives d’Écologie Préhistorique, 2 volumes, 922 p.